LFSM / PARIS : HALO MAUD
HALO MAUD [Pop]
Tiens, quelque chose arrive. C’est un disque, il s’appelle Celebrate et il porte bien son nom. C’est le deuxième album de Halo Maud.
On se souvient de son premier envoi Je suis une île, déjà paru sur le label anglais Heavenly Recordings et dont la dream-pop serpentine et virtuose échauffa les esprits et commença d’imposer son autrice sur le Ouija de la pop moderne internationale, aventureuse et rassembleuse. Idéalement soutenue par un grand groupe élastique, Maud chantait d’intrigantes mélopées griffonnées en langues de peu, escalators psychés trouant d’épais brouillards d’électricité.
Moins introspectif, Celebrate le continue et l’ouvre en grand, le radicalise et le fait bondir un peu plus. Ainsi commence-il du bout des lèvres, pendant 25 secondes, avant que le son, soudain maousse, ne saute en bord d’enceinte en un riff bourdonnant : c’est le premier décollage génial d’un disque qui en dispensera ainsi des tas, et de bout en bout.
En douze chansons escarpées et superbement produites (entre Paris et Los Angeles en des compagnies diverses), par associations d’humeurs contraires et collisions de grains multiples, Celebrate réussit le tour de force d’être à la fois méditatif, mouvementé et parfaitement cohérent. Halo Maud a ce talent, notons-le, de rendre accueillantes pour ne pas dire irrésistibles des articulations pleines d’audace entre pop hirsute, rock bariolé, avant-gardes et variété cousue d’or. Entre le tapage et la berceuse, Françoise Hardy, la volée de bois, Christophe (pour qui Maud signa deux textes naguère) et Deerhoof, dont la proue arrière Greg Saunier co-réalise ici quelques titres et tient un quart de la lutherie. À l’autre bout du spectre, Flavien Berger est de passage au micro le temps d’une reprise inouïe d’Iceberg, hymne anthropocène ravi à Fred Frith.
Et puis: la guitare jouée comme d’un piano Monkien, le refrain qui fait mouche, les synthés turbulents et le mystère des voix bulgares (écoutez les « i » qui s’accentuent dans les aigus, remarquez ce titre, Pesnopoïka ), l’inquiétude et les grandes joyeusetés. Le tout dans une reverb réglée comme une aube qui agrandit l’espace, fait la lumière.
Halo Maud écrit des chansons qui touchent, accrochent, étonnent, excitent. Et en deux langues, français d’introspection et anglais projectile qui se répondent et qui s’augmentent, dotant chaque titre de deux cœurs complémentaires: l’un centripète pour le soliloque et la rêverie solitaire, l’autre centrifuge pour l’adresse, l’amitié, la bagarre. Deux langues au plus clair d’elles-mêmes, à mots comptés, à pas menus, deux langues qui disent le cours d’eau, la fête sororale, la patience qu’il faut pour être au monde, l’enivrement du danser.
La littérature de Halo Maud tient toute entière en quelques devises, formules pop et considérations spiritituelles qu’elle fredonne ou souffle ou crache en l’air. Et sa voix de se retourner sans cesse dans ses mélodies fluviales, tandis que le courant charrie derrière elle branches égratignantes, cailloux, gros animaux.
Tumultueux et généreux, Celebrate, sous ses airs de pop extasiée, de rock joué à donf’ et à l’envers, de chanson mutine ou recueillie, a tout d’un recueil de prières festives. Et si Celebrate, au bout du compte, était un disque de gospel ?